Sylvie Trilles
Artiste peintre.
Exultation. Transport de Joie. Telle est la sensation première que dégagent les tableaux de la plasticienne Sylvie Trilles. Pourtant, nulle exubérance dans les œuvres présentées. Cette Joie profonde est tangible. Ses acryliques sont, d'abord le reflet d'une sérénité souriante, d'une empathie qui se veut familière avec un plaisir de vivre ou de peindre contagieux, généreux autant que discret. Les lignes de force, souvent dans la verticalité, s'étirent vers un hors –champ imaginaire de la toile. La vivacité chromatique et un trait puissant marquent la détermination de l'artiste à trouver un langage, l'alphabet d'un monde qu'elle interroge sans cesse, toile après toile, comme pour en explorer le champ des possibles. Jubilation pour le regard, jubilation de l'artiste qui s'interroge et requiert du spectateur la même plongée, s'il le veut bien, dans les abysses du possible. Tout se passe comme si la toile et ses aplats en épaisseurs devenaient le support d'une méditation féconde. L'arrêt sur l'image conjoint la fuite vers un ailleurs, vers un au-delà du cadre et le tissu moiré, en surimpressions, en aplats fermes, de la peinture. Cette épaisseur questionne peut-être le souvenir et la mémoire, comme pour le poète T. S. Eliot dans son œuvre Quatre Quatuors, cherchant une clé au grand mystère du vivre :
"Des pas résonnent en écho dans la mémoire
Le long du corridor que nous n'avons pas pris
Vers la porte que n'avons jamais ouverte
Sur le Jardin des roses"
(traduction de P Leyris)
Mais, chez Sylvie Trilles, la nostalgie du "jardin des roses" cède le pas à une quête vive et active. Pourquoi ?
Pourquoi…"pas" ? Les questions sont là comme l'indice d'une curiosité, d'une surprise, de quelque chose qui intrigue, dérange et surprend sans vraiment inquiéter, encore moins angoisser. L'orientation est celle du présent dans cet univers où la plainte et le regret n'ont pas exactement leur
place. À y regarder de plus près, en une bienheureuse myopie, ses grandes toiles offrent des espaces délimités. Des univers se juxtaposent qui, à eux seuls constituent d'autres créations, comme une mise en abyme du tableau lui-même. Ces mondes microscopiques dont il faut s'approcher pour en saisir les subtilités, ne sont pas à traduire, à expliquer. La beauté de ces "miniatures" surprend par leur mystère hiéroglyphique. Jamais, dans ces constructions géométriques, plus ou moins closes, rien n'est identique. Au contraire, la matérialité de la toile se difracte en autant de ricochets fugitifs, inexplicables, profonds parce qu'éphémères. D'une rare élégance. "Je veille, dans la mesure du possible, à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère avec la précision et l'enchantement nécessaire à la vie des idées" écrivait R Magritte. En cela, l'œuvre de Sylvie Trilles pourrait bien lui servir d'écho.
G Solana-Chanson
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